Le contraste est saisissant entre la gravité de la crise sanitaire, environnementale et sociale qui sévit aux Antilles et la légèreté avec laquelle cette visite a été menée. Certes, nous n’en attendions rien, de sorte que nous ne sommes pas déçus. Mais ce qui nous insupporte, c’est la persistance de vieux clichés doudouistes, de préjugés, de fantasmes éculés et leur mise en spectacle : « la sensualité alliée à la bestialité, l’innocence alliée à la déviance, le don pour le rythme…etc ». Deux mots traduisent toute la vacuité de ce voyage présidentiel : légèreté et condescendance. Légèreté, au sens où nous l’entendons, signifie « manque de sérieux, inconstance, désinvolture, inconséquence, irréflexion ». Tout le contraire de « gravité, prudence, sagesse, sérieux ». C’est ce que nous ressentons quand le Président de la République, Emmanuel MACRON, ancien Conseiller de son prédécesseur, François HOLLANDE, feint de découvrir, en Martinique, l’affaire du chlordécone et reconnaît soudainement une certaine responsabilité de l’Etat dans la pollution, tout en niant, « en même temps », tout lien de causalité entre ledit pesticide et toute pathologie. Le Président n’a-t-il pas lu les études Karu-prostate, Hibiscus, Ti moun, le rapport BONAN et PRIME …etc? Légèreté aussi, dans sa volonté d’imprégner sa visite aux Antilles d’un air ludique et enjoué pour se donner une image cool, qui contraste avec celle qu’il donne à Paris d’un monarque froid et déterminé. Vouloir à tout prix paraître baba cool aux Antilles et Jupiter à Paris n’est pas sans risque, quand on connait la facilité de capture et la volatilité des images : un doigt d’honneur s’est vite glissé à Saint-Martin. Légèreté toujours quand, d’un côté, on sacralise la séparation des pouvoirs exécutif et juridictionnel, à Paris, pour protéger ses amis et neutraliser les parlementaires, puis, d’un autre côté, aux Antilles, on prend carrément position, on égrène au micro les affaires judiciaires, on menace de réactiver certaines enquêtes et on en annonce pratiquement le verdict, comme si les juges seraient à la solde et aux ordres du Président. La condescendance est définie comme « l’attitude de supériorité méprisante de quelqu'un qui, tout en accordant une faveur, fait sentir qu'il pourrait la refuser » Au-delà des mots rodés, tels liberté, égalité, fraternité, amour, honneur, patrie, la parole du Président n’a pas, aux Antilles, la même consistance qu’à Paris. Ici, il croit devoir distiller leçons de moral et de gestion, connaissance du littoral et des cyclones, et menacer les édiles de la foudre du Roi. Il est patent que le Président manque de respect à l’égard des élus quand, lors de la rencontre avec les associations d’usagers de l’eau, notamment, le Président fait mine de les écouter fustiger, légitimement, le fiasco politico administratif des décideurs locaux, sans jamais donner la parole aux élus, pour instaurer un vrai débat contradictoire. Quand fera-t-on aussi le procès de l’Etat pour sa contribution à la gabegie de l’eau depuis un demi-siècle ? Condescendance encore à propos des sargasses, quand Emmanuel MACRON invite chacun à retrousser ses manches, tout en occultant les engagements internationaux de la France à travers les Conventions de Carthagène, de Montego bay, les Directives européennes sur « l’Eau » et la « Stratégie pour le milieu marin », la Stratégie nationale pour la mer et le littoral, ainsi que la jurisprudence des juridictions administratives condamnant les carences de l’Etat en Bretagne vis à vis de l’invasion des algues vertes. S’il ne s’agissait que de postures éphémères, nous pourrions rester taisant et attendre la suite de cette visite présidentielle. Mais attachés à la démocratie, aux Droits de l’Homme et aux Libertés, nous ne pouvons assister en silence au retour des vielles pratiques politico-judiciaires, qui consistaient à donner directement des instructions aux Parquets et, de manière subliminale, des consignes aux magistrats. Ainsi, on protégeait ses amis, tandis que ceux qui osaient troubler l’ordre établi étaient traqués et voués aux gémonies par le bras judiciaire de l’Etat… Il n’y a pas de démocratie sans Justice indépendante ! Le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, pilier de la république, a été consacré depuis 1789/1791. Il vise à séparer les différentes fonctions de l’État, afin de limiter l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice de missions souveraines. C’est pour cela que le REV-Guadeloupe exprime son indignation face à cette immixtion du pouvoir exécutif dans le champ de compétence juridictionnel et invite tous les démocrates à en faire autant pour enrayer toute dérive monarchique. Harry J. DURIMEL Président du REV-Guadeloupe
La visite présidentielle qui s’achève nous laisse un goût amer
Dernière mise à jour : 21 mai 2021
Comments