Ci-dessous un article que j’ai écrit il y a plusieurs années et qui est toujours d’actualité : Le 29 Mai 2005, les citoyens français seront appelés à ratifier, par referendum, le Traité constitutionnel de l’UE. Mais c’est en caribéen convaincu que je dirai quand même “OUI” à cette Constitution, pour les raisons que j’exprimerai ci-après. Le choix n’a pas été facile pour moi, à tel point que je n’ai pas pris part au referendum interne des Verts sur le sujet. Il a fallu résister à deux tentations :
le choix d’humeur : manifester, à l’instar de mes camarades altermondialistes, mon mécontentement à l’égard de l’orientation libérale de l’Europe que j’ai toujours critiquée.
Le calcul tactique, en fonction de ce que font les autres, pour se positionner dans la perspective d’élections futures.
Surmontant ce dilemme, j’ai pris la décision de me prononcer pour un «OUI DE MOBILISATION», pour au moins quatre raisons :
Ce n’est pas le Traité Constitutionnel (TCE) qui engage l’Europe sur la voie libérale.(I)
Le libéralisme érigé en dogme par la plupart des Etats, y compris nos voisins, favorise l’intégration des DFA dans la Caraïbe. (II)
L’adoption d’une Constitution apporte à l’UE (Union Européenne) la cohésion et la personnalité juridique nécessaire pour concurrencer les Etats-Unis (EU) dans une zone géographique dominée par ceux-ci, la Caraïbe. (III)
En de nombreux points, le TCE constitue une avancée dans la démocratisation des institutions et du fonctionnement de l’UE. (IV)
I - CE N’EST PAS LE TCE QUI ENGAGE L’UE SUR LA VOIE LIBÉRALE.
Résolument altermondialiste, j’ai fait campagne, pendant les élections européennes de 2004, pour une Europe fédérale, écologique, solidaire et protectrice de la diversité culturelle.
J’ai dénoncé, tout au long de mes interventions publiques, l’ultralibéralisme érigé en dogme par les accords de Marrakech ayant fondé l’O.M.C (Organisation Mondiale du Commerce) en 1995.
J’ai attiré l’attention des électeurs sur le processus enclenché depuis lors et qui, à terme :
remettra en question les politiques européennes généreuses, notamment dans le domaine agricole.
consacrera la fin de l’Etat providence : précarisation de l’emploi, disparition du concept de service public, privatisation à outrance de secteurs clés tels l’eau, la santé, l’éducation, fin des salaires minimum et de la limitation du temps de travail…
D’une manière plus générale, j’ai expliqué comment l’Europe, en signant les accords de Marrakech susvisés, avait autodétruit le “modèle européen” pour adopter le “modèle américain” auquel on l’opposait traditionnellement.
Que signifie le concept de « modèle européen » ?
Communément, on classe sous ce concept, les politiques que la plupart des pays d’Europe ont développées, principalement à partir de la fin du XIXème siècle, et qui ont abouti, à des degrés divers, à conférer à l’Etat et aux pouvoirs publics d’une manière générale, un rôle régulateur et redistributeur important, afin d’assurer en même temps la liberté des citoyens et la solidarité entre eux.
Cela s’est traduit par l’élaboration de politiques encadrées, garanties, voire gérées par les pouvoirs publics : salaire minimum garanti, durée déterminée du travail hebdomadaire maximum, allocations de chômage, allocations familiales, caisses d’assurances maladie - invalidité, caisses de pension, minimum garanti de moyens d’existence... Ces politiques ont consacré l’existence d’organisations syndicales et de mutualités ; elles ont incité à une concertation régulière entre ceux qu’on appelle les partenaires sociaux. Ces politiques ont conduit les pouvoirs publics, à différents niveaux, à créer et à administrer des organismes appelés « services publics ».
Avec l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), c’est le « modèle américain » qui l’a emporté. C’est-à-dire un système dans lequel, au nom de la primauté absolue de la liberté, l’individu passe en premier lieu, où le chacun pour soi est la règle commune, où l’action caritative privée remplace et compense, autant que faire se peut, le refus de reconnaître des droits mis en œuvre par des services publics, et où il n’est possible de faire reconnaître et sanctionner l’iniquité qu’au terme de procédures judiciaires que seuls les nantis peuvent engager. Dans ce système, l’Etat minimum n’est puissant que dans les domaines des forces armées, des services de sécurité, de l’appareil répressif et dans les secteurs où il peut appuyer les firmes privées.
Ce n’est donc pas le Traité constitutionnel qui engagera l’UE sur la voie du libéralisme.
Les divers accords, traités et organismes internationaux (FMI, GATT,OMC) constituent un tissu de normes internationales libérales qui supplantent les règles internes du droit national et s’imposent à tous.
Deux principes fondamentaux de l’OMC ont creusé la tombe de nos productions agricoles :
Il s’agit de la « clause de la nation la plus favorisée », qui pose l’obligation d’étendre les avantages accordés à un membre à tous les autres, ce qui exclut la possibilité de traitements préférentiels ou de rapports bilatéraux discriminatoires, en ces termes : “Tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordées par une partie contractante à un produit seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire..) Une seconde règle complète cette obligation: celle du « traitement national » posée comme suit : « les parties contractantes sont tenues d’appliquer à tous les produits importés du territoire des autres parties contractantes le traitement national en matière d’imposition et de règlements intérieurs. Lors de la création de l’OMC, en avril 1994, la Déclaration finale des ministres à Marrakech pose que : « la libéralisation des échanges et les règles renforcées (..) conduiront à un environnement commercial mondial de plus en plus ouvert ». De plus, « les ministres confirment leur résolution d’œuvrer en faveur d’une plus grande cohérence, au niveau mondial, des politiques menées dans les domaines commercial, monétaire et financier ». Et ce ne sont pas les dérogations, sorte de pansement provisoire, qui empêcheront, à court terme, la puissance publique de se désengager du financement d’activités économiques non rentables sur un marché mondialisé.
Dans un tel contexte, le Traité constitutionnel, conçu et pondu par ceux qui dirigent actuellement l’UE, ne pouvait être autrement que libéral.
Les mêmes élus, appelés à concevoir une autre constitution, produiraient, fidèles à leur croyance quasi dogmatique dans la « démocratie de marché », la même constitution.
Ce sont donc les Hommes qu’il faut changer pour donner une autre orientation plus sociale à l’UE.
Et le travail que font les organisations altermondialistes tels que ATTAC, le Comité pour le Forum social caribéen, paiera à terme par la conscientisation des masses populaires, contribuant ainsi à l’émergence d’élus écologistes et de vrais socialistes.
II - LE LIBERALISME ERIGE EN DOGME PAR LA PLUPART DES PAYS, Y COMPRIS NOS VOISINS, FAVORISE L’INTEGRATION DES DFA DANS LA CARAÏBE. (II)
Que faire, dans ce tournant irréversible pris par la grande majorité des pays du monde, y compris les moins développés, la Caraïbe incluse (à l’exception de Cuba) ?
En effet, tous les leaders politiques semblent avoir adopté la religion de l’ultra-libéralisme et tous chantent en chœur les vertus du libre échange, de la déréglementation, de la privatisation, de l’interdiction de subventions publiques au secteur privé et, d’une manière générale, du commerce international comme garant de la prospérité et la démocratie.
Même les signataires du traité de l’AEC (l’Association des Etats de la Caraïbe) affichent dès le préambule leur allégeance au sacro-saint “Marché” en ces termes : les parties “ se déclarent conscients de la nécessité de forger une réponse efficace et opportune aux défis et aux possibilités qu’offre la globalisation de l’économie internationale ainsi que la libéralisation progressive des relations commerciales hémisphériques”. Les parties se déclarent aussi “déterminées à faire en sorte que cet espace élargi permette une plus grande compétitivité sur les marchés internationaux”.
Que faire, dans ce tournant irréversible pris par la grande majorité des pays du monde, y compris les moins développés, la Caraïbe incluse (à l’exception de Cuba) ?
En l’état de la situation géopolitique de la Guadeloupe, et des DFA en général, notre salut, notre seule chance d’asseoir un véritable développement, réside dans une réelle intégration dans notre milieu naturel qu’est la Caraïbe.
À l’heure où les pays de la planète s’organisent en blocs pour prospérer, c’est une aberration que les Etats lilliputiens et les territoires exigus de la Caraïbe, sous développés, par l’effet conjugué des divers facteurs, continuent de s’enfoncer dans l’endettement, la pauvreté et le chômage. Les grandes puissances qui ont pillé l’Afrique, asservi et avili le peuple noir et colonisé ces pays et territoires de la Caraïbe, ont une dette envers eux et se doivent de financer leur développement.
Et c’est en cela que je pense que le Traité constitutionnel, en consolidant l’Union Européenne face à l’hégémonie américaine, donne une chance supplémentaire à la Guadeloupe, et aux DFA, de s’intégrer dans la Caraïbe afin de jouer un rôle moteur vers la création d’une « Nation Caraïbe ».
Pour reprendre ce mot de feu Eric Williams, ancien 1er ministre de Trinidad et Tobago, « intergrate or perish », « s’intégrer ou périr », je dirai aux antillais, qu’à défaut de s’inscrire dans le processus de globalisation en cours dans la Caraïbe, dans les Amériques et dans le monde en général, nous risquerions de demeurer des jouets entre les mains des superpuissances et des multinationales qui, par les normes juridiques et commerciales qu’elles élaborent, fixent les règles du jeu qui s’imposent à nous.
Divers facteurs militent en faveur de l’intégration régionale de la Grande Caraïbe.
Cette zone est relativement étendue. De la Guyane française à l’Est à l’Amérique Centrale à I’Ouest, elle mesure 3.600 km. Des Bahamas au Nord, au Guyana au Sud, il y a près de 4.000 Kms.
Elle occupe une position stratégique entre les deux grands blocs constitués par l’Amérique du Nord et du Sud, sur la voie d’accès au Canal de Panama, entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique.
En dépit d‘une grande diversité, nous partageons intrinsèquement avec ces pays, un certain nombre de “caractéristiques communes ” : La première et la plus remarquable d’entre elles c’est la petite taille de l’économie.
Les économistes conviennent généralement de considérer comme petits pays ceux dont la population se situe entre cinq et dix millions d’habitants et la superficie entre 25.000 et 50.000 km2.
Excepté Cuba, les pays qui retiennent ici notre attention atteignent rarement ces limites. Les deux plus peuplés d’entre eux, Haïti et la République Dominicaine, ont autour de 5 à 10 millions d’habitants.
La deuxième caractéristique de ces pays, c’est qu’il s’agit d’îles, pour la plupart d’entre eux. À cet égard, on ne compte que quatre exceptions : les trois Guyanes et Belize.
La troisième caractéristique, c’est la situation d’économie en voie de développement (PVD).
Ce classement parmi les PVD est confirmé par les indicateurs structurels suivants :
L’agriculture et les activités primaires occupent une place relativement importante.
L’industrie et le secteur secondaire sont peu développés.
II s’agit le plus souvent d’une industrie légère, où l’agroalimentaire demeure prédominante.
Le niveau de chômage est élevé. Son taux est dans la plupart des pays concernés supérieur à 15 %. Il atteint en majorité des jeunes de moins de 25 ans et s’accompagne souvent d’un fort taux d’émigration de la population vers quelques grands pays industriels (EU, UE, Canada).
La dépendance par rapport à l’extérieur est marquée. On la mesure à l’importance du commerce extérieur dans l’activité économique globale, au degré de spécialisation des exportations et à l’importance de l’aide extérieure. Le coefficient d’importation est, dans presque tous les cas, supérieur à 50 % et la part du commerce extérieur dans le PIB dépasse très souvent les 100%. Les exportations concernent un petit nombre de produits ou services : sucre, banane, produits pétroliers, bauxite, textile et tourisme. Dans chaque pays, une ou deux de ces activités représentent à elles seules plus de 50 % des revenus d’exportation.
De même ces pays ont, comme nous, un certain nombre de “handicaps” dus à leur nature d’économie insulaire ou quasi insulaire de petite dimension : Ce sont :
L’existence de déséconomies d’échelle. En effet, la petite taille du marché local réduit la possibilité d’exploiter les économies d’échelle.
Le besoin de se spécialiser dans un petit nombre d’activités si l’on veut atteindre une capacité de production minimum pouvant intéresser des grands marchés.
Le handicap particulier, lié aux transports extérieurs et à l’éloignement des principaux marchés que sont les EU, le Canada et l’UE. Ceci se traduit, au plan économique, par plusieurs conséquences négatives : des coûts unitaires de transport et d’affrètement d’autant plus élevés que les distances sont importantes et les quantités transportées réduites ; des stockages et des coûts de stockage élevés puisque l’on doit tenir compte des risques et difficultés d’approvisionnement liés à l’isolement.
Enfin, des problèmes écologiques et d’environnement spécifiques dus tant à la fragilité des petits écosystèmes insulaires qu’à la localisation de nos pays dans une région du globe vulnérable à certaines catastrophes naturelles, tels les ouragans, les éruptions volcaniques et les tremblements de terre.
Étant donné les besoins de la région et l’insuffisance des moyens permettant d’y faire face, la Caraïbe doit tabler sur la coopération internationale pour garantir un développement durable permettant d’aborder les problèmes sociaux, économiques et écologiques. Pour être efficace, cette coopération doit toutefois être renforcée et harmonisée afin d’assurer une utilisation et une distribution efficaces des ressources financières destinées à la région. C’est ce que semble avoir compris l’UE depuis quelque temps. L’intégration régionale apparaît à la fois comme une modalité d’intégration des DFA dans l’Union Européenne en même temps que dans leur environnement caribéen.
Cette intégration n’a pas toujours été souhaitée par l’Etat français. Et les relations qu’entretenait l’Outre-mer français avec la métropole ont longtemps été exclusives, c’est-à-dire qu’un lien direct unissait les territoires ultramarins à la métropole, prohibant les relations avec d’autres métropoles européennes et n’encourageant guère celles-ci avec les voisines. La volonté d’intégration régionale procède, au niveau communautaire, du constat de la relative inefficience de la coopération telle qu’elle s’est dessinée à travers les conventions de Lomé, de l’expérience d’association avec les PTOM et de dérogations multiples consenties aux DFA, régions ultrapériphériques de l’UE dans la Caraïbe. À force de panser les plaies de cette construction fictive qui fait des DFA des régions monodépartementales et insulaires d’Europe aux Amériques, lasses d’ériger dérogations sur dérogations, remettant en cause le sens même du Traité de l’Union, l’UE a été contrainte de s’interroger sur l’adéquation de sa politique aux besoins de développement de ces régions d’outre-mer. Tous les rapports élaborés depuis la fin des années 80’ reconnaissent que les DFA souffrent surtout de mal développement et que seul un développement intégré, conçu à l’échelle de la Caraïbe, serait durable. Citons la conclusion désabusée de Guy JARNAC du Comité économique et social (CES) qui résume bien le constat d’échec ambiant à cette époque : “Tant de capitaux et d’hommes de qualité engagés, tant d’incitations financières ou fiscales mises à la disposition des opérateurs économiques n’ont pas réussi à provoquer le développement économique des DOM (...)Les politiques traditionnelles pratiquées dans les économies structurées d’Europe n’ont pas entraîné des résultats encourageants sur les économies déséquilibrées des DOM”. (Rapport présenté par Guy Jarnac au Conseil économique et social le 10 nov.1987) Le rapport JARNAC avait été précédé d’une autre étude présentée au nom de la Commission de politique régionale et de l’aménagement du territoire du Parlement européen sur les problèmes régionaux des DOM, par Guiosé Ligios le 3 Mars 1987 prônant comme remède “le renforcement de la coopération régionale et le développement des zones avoisinantes”. Selon Guiosé Ligios : « la gravité de la situation des départements français d’outre-mer (DOM) justifie et requiert une action pluri-sectorielle de développement économique et social qui devra bénéficier pendant plusieurs années d’une aide communautaire, laquelle devra s’ajouter aux efforts nationaux. Cette action de développement doit tendre à doter les DOM de structures économiques qui leur permettent d’exploiter pleinement tant leur potentiel endogène que les possibilités que leur offre leur situation géographique particulière, dans le but d’atteindre le niveau communautaire de productivité » Sur la base des recommandations faites par Guiosé LIGIOS, la Commission européenne a élaboré un Programme d’Options Spécifiques à l’Eloignement et à l’Insularité des DOM : POSEIDOM. Son article 13-1 dispose : “Afin de permettre une meilleure coopération régionale, des consultations sont encouragées entre les différents Etats, pays et territoires d’outre-mer et départements d’outre-mer des zones géographiques concernées, en liaison avec les autorités des Etats membres compétents pour ce qui concerne les DOM et les pays d’outre-mer.” Ensuite il y a eu REGIS, INTEREG III-B, autant de programmes européens favorisant l’intégration et la coopération régionales. L’intérêt de la France et de l’Europe transparaît dans ce propos d’un parlementaire européen, rapporté par Bernard de Gouttes dans un “Rapport sur la coopération régionale caraïbe à partir des Départements Français d’Amérique: “ Les DOM représentent une chance pour l’Europe car ils repoussent au bout du monde les frontières de l’Europe dont ils pourraient être la tête de pont pour la conquête de marchés lointains”. Les Antilles-Guyane, partie intégrante de l’UE, peuvent donc jouer un rôle dans l’articulation nécessaire entre coopération horizontale (celle qui privilégie les relations entre les DFA et la région environnante) et coopération verticale (celle qu’articulent les relations entre l’Europe et la Caraïbe ou entre l’Amérique du Nord et la Caraïbe). Selon le Professeur Jean CRUSOL : “on a souvent répété que les Antilles-Guyane pouvaient être la tête de pont de l’Europe dans la Caraïbe, il faudrait compléter cette proposition en les considérant comme la tête de pont de la Caraïbe dans la CEE”. L’objectif avoué de l’UE est de coordonner ses différentes formes d’actions dans la Région Caraïbe (DFA inclus) et de promouvoir, d’ici 2008, une zone de libre échange.
L’intérêt des pays de la Caraïbe n’est pas moins évident.
Contraints et forcés, les Etats de la Caraïbe doivent se mettre à l’heure des blocs régionaux et des normes américaines consacrées par les accords de Marrakech et embrassées par l’UE. Ces derniers se voient contraints de frapper à la porte de l’ALENA (Accord de Libre Échange Nord-Americain) afin de bénéficier d’un marché de 360 millions d’habitants, le plus solvable de la planète et, d’autre part, à s’unir au niveau sous-régional, première étape d’une libéralisation régionale
Crée le 3 mars 1989, le G3 regroupe le Mexique, la Colombie, et le Venezuela.
Il a pour objectifs de stimuler l’intégration entre ses trois membres, et de promouvoir la coopération avec les pays de l’Amérique Centrale et des Caraïbes. Ces trois pays qui ont de multiples affinités culturelles, politiques, et économiques, ont noué avec la Caraïbe des liens substantiels tant au plan bilatéral qu’au plan multilatéral. Ils sont notamment devenus membres donateurs de la Banque Caraïbe de Développement (B.C.D.).
Les pays de la Caraïbe ressentent la nécessité de resserrer leurs liens commerciaux pour constituer une zone attrayante pour les investisseurs européens et asiatiques, afin que cette région serve de tremplin au marché nord américain.
Encore faut-il que cette région existe réellement avec une dimension suffisante pour constituer un interlocuteur de poids en face des grandes puissances.
Pour cela, la Caraïbe réduite aux îIes, ne suffit pas, il faut renforcer les liens avec les Etats latino-américains riverains : I’Amérique Centrale, la Colombie, le Mexique et le Venezuela.
Ainsi émergerait une entité plus large: le Bassin de La Caraïbe.
C’est dans cette perspective que l’Association des Etats de la Caraïbe (AEC) fut créée le 24 juillet 1994 à Carthagène (Colombie), instituant une zone de libre - échange élargissant le CARICOM à la Colombie, à Cuba, au Mexique, au Venezuela et aux Etats d’Amérique Centrale.
Sont représentés vingt-cinq pays des Caraïbes, d’Amérique Centrale, du Groupe des Trois (G3 : Colombie, Mexique, Venezuela) et douze territoires non souverains avec le statut de membres associés dont notamment les Départements Français d’Amérique.
En constituant cette association, les pays concernés déclarent vouloir « initier une nouvelle ère » de la « Grande Caraïbe » pour renforcer l’intégration économique, faciliter la participation active et coordonnée de la région et mettre en œuvre des politiques et des programmes en vue d’une coopération fonctionnelle.
L’objectif fondamental est de chercher à créer un espace économique plus compétitif et viable pour entraîner un développement général de la région en dépit de sa diversité culturelle, ethnique, linguistique et de la disparité des niveaux de vie de ses populations.
Pour cela, l’Association des Etats de la Caraïbe a été fortement encouragée par l’UE et par les EU comme un moyen de répondre aux défis et opportunités que présente la globalisation de l’économie mondiale.
En parvenant à constituer un bloc de coopération régionale, les Etats du Bassin de la Caraïbe espèrent gagner en crédibilité aux yeux de Washington et de Bruxelles avec leurs deux cents millions d’habitants et un produit intérieur brut supérieur à 500 milliards de dollars.
En dépit des obstacles, ils ont en commun la volonté de s’insérer dans la zone des Amériques.
Désormais pour la Caraïbe, c’est une course contre la montre ; il lui faut consolider rapidement cette nouvelle entité, car les Amériques s’organisent et elle doit être présente au rendez-vous.
Les DFA se retrouvent alors à l’intersection de la zone de libre échange impulsée par les Etats-Unis. Celle-ci a pour but de faire du continent américain une zone de libre-échange, à l’horizon 2005-2006.
Celle impulsée par l’UE avec les pays latino-américains devrait voir le jour en 2007
Dans son « Livre Vert » sur ses « relations avec les pays ACP à l’aube du XXIème siècle », la Commission Européenne reconnaît explicitement cette perspective d’intégration régionale. Pour l’UE, tôt ou tard, les Caraïbes s’intégreront aux Amériques, mais l’avenir de la région passe par une intégration équilibrée, maintenant des liens étroits et solides avec l’Europe.
III - L’ADOPTION D’UNE CONSTITUTION APPORTE À L’EUROPE LA COHÉSION ET LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE NECESSAIRES POUR CONCURENCER LES USA DANS UNE ZONE GÉOGRAPHIQUE DOMINÉE PAR EUX.
Le projet constitutionnel européen apporte trois novations :
La personnalité juridique : L’ensemble des réalisations de la construction européenne est coiffé, depuis le traité de Maastricht, par « un cadre institutionnel unique », l’Union européenne. Avec la Constitution, l’Union reçoit la personnalité juridique ; elle acquiert une cohésion institutionnelle, une visibilité qu’elle n’avait pas. Les couches successives des traités sont reprises et remodelées dans un seul document : la Constitution.
Un pouvoir législatif. La construction européenne est productrice de normes très nombreuses. La Constitution remet de l’ordre dans cet immense acquis et dote l’Union d’un pouvoir législatif clarifié : la loi européenne doit être adoptée dans les mêmes termes par l’instance représentant les États membres, le Conseil, et l’instance représentant les peuples, le Parlement européen, les parlements nationaux étant associés à ce processus.
Une gouvernance. L’Union Européenne (UE) dispose déjà de mécanismes gouvernementaux complexes :
le Conseil européen fixe les grandes orientations,
la Commission européenne propose et exécute,
le Conseil des ministres décide.
Au plan mondial, l’un des buts assignés à la Constitution européenne est l’affirmation de l’UE comme acteur international, l’union étant souvent regardée comme « un géant économique et un nain politique ».
Le problème de l’UE c’est qu’elle n’a pas vraiment les moyens techniques de l’interventionnisme politique comme les EU (États-Unis). Contrairement aux EU où le Président dispose d’un pouvoir personnel notoire, l’UE doit trouver, en cas de manquement grave d’un pays ACP aux principes qu’elle défend, un consensus au niveau de ses différentes instances décisionnelles.
La désignation par le Conseil européen d’un Président permanent (mandat : 2 ans et demi, renouvelable une fois), la création d’un Ministre des Affaires étrangères de l’Union – nommé, avec l’accord du Président de la Commission, par le Conseil européen- donnent à l’Union une authentique structure exécutive, capable de parler sur la scène internationale.
III – EN DIVERS POINTS LE TRAITÉ CONSTITUTIONNEL CONSTITUE UNE AVANCÉE DANS LA DÉMOCRATISATION DES INSTITUTIONS ET DU FONCTIONNEMENT DE L’UE.
C’est grâce à l’absence de contraintes de l’actuel traité de Nice que les libéraux ont pu lancer toute leur œuvre de destruction sociale (services publics en tête). Bolkestein savait qu’il fallait accélérer les choses pour tout boucler sous « régime niçois… car la mise en œuvre de la Constitution européenne pourrait faire obstacle à sa vision de la Directive Services.
Parmi les nouveaux outils constitutionnels concrets de lutte contre sa logique libérale, citons :
la création d’une base juridique donnant -pour la première fois – le pouvoir au parlement européen de mettre en œuvre une directive cadre sur les services d’intérêt général afin de les protéger ou, mieux, les promouvoir ;
le pouvoir de codécision budgétaire octroyé au Parlement sur la totalité des dépenses de l’Union (et non, comme actuellement, sur un quart d’entre elles,), pour impulser ou bloquer les politiques ;
le pouvoir de « contrôle en subsidiarité » donné aux Parlements nationaux pour mieux protéger leurs modèles spécifiques ;
le pouvoir constitutionnel direct de proposition législative donné aux citoyens à travers la procédure de pétition à la Commission ;
l’ajout de nouvelles notions dans les objectifs et valeurs de l’Union, qui, si elles ne remplacent pas encore le dogme libéral, donne enfin une base politique et juridique pour commencer à le combattre sérieusement ;
le doublement du champ de codécision législatif donné au Parlement européen, notamment pour la mise en œuvre des politiques économiques et commerciales ;
La désignation du Président de la Commission européenne- et, partant, de la Commission elle même- par le Parlement européen sur la base de la majorité issue du vote des citoyens aux élections européennes, et non plus au bon vouloir de la cooptation entre chefs d’Etats.
IV- LE TRAITÉ CONSTITUTIONNEL N’EST PAS SI IMMUABLE QU’ON VEUT LE FAIRE CROIRE.
Une constitution n’est complète que si elle fixe les règles selon lesquelles elle peut être modifiée. Ces règles figurent à la partie IV du projet de traité qui nous est soumis.
Alors que le traité de Nice (comme tout traité international) ne peut être modifié qu’à l’unanimité, le projet de traité constitutionnel introduit quelques assouplissements :
le parlement obtient en matière constitutionnelle le droit d’initiative qui lui est refusé en matière législative ;
la procédure de la convention devient obligatoire pour chaque changement dans la constitution alors que rien ne l’impose dans le traité de Nice ;
en cas de non ratification par 5 pays, le Conseil se saisit de la question ;
enfin, pour la plupart des domaines que la partie III maintient au régime de l’unanimité, le Conseil peut, à l’unanimité, décider de basculer dans la procédure législative normale (clause passerelle).
S’il est vrai que ces modifications sont minimes, il n’en reste pas moins que la Constitution serait moins « gravée dans le marbre » que l’actuel traité de Nice. Par ailleurs, le TCE préserve le droit inconditionnel de retrait de l’Union dont bénéficie tout Etat membre à tout moment. CONCLUSION Voilà, en gros, pourquoi je voterai « OUI ». Parce que je pense que la lutte pour l ‘écologie, pour la solidarité, pour la démocratie, pour la planète, sera plus facile avec le TCE qu’avec les traités actuellement en vigueur. Et parce que le TCE offre plus de possibilités d’évolution future fondée sur la mobilisation des citoyens, que les traités actuels. C’est là, la seule question qui nous est posée. Voter « NON », c’est décider d’en rester aux traités actuels (Maastricht, Amsterdam, Nice). Voter « OUI », c’est accepter les modifications proposées. Ces modifications sont importantes. Elles améliorent considérablement la définition des valeurs et des objectifs de l’Europe. Elles énoncent des droits qui ne figurent pas encore dans la Constitution nationale de nombreux pays d’Europe. Plus que la France, l’UE reconnaît expressément la dimension « Pays » de la Guadeloupe et des autres régions ultrapériphériques, nommément désignées dans le texte du TCE. Cela laisse à penser que l’Europe des Régions serait plus favorable à la responsabilisation et à l’émancipation des anciennes colonies des Etats membres. En résumé, c’est un « OUI » tiers-mondiste, caribéen que j’émets. Un «OUI» de PVD (pays en voie de développement), qui contraste nécessairement avec le «OUI» ou le « NON » des nantis qui ont peur de perdre leurs privilèges, subventions à l’exportation, autant d’avantages qui apparaissent comme du luxe aux yeux des pays de l’Europe de l’est et de l’hémisphère sud. C’est un «OUI» prospectif que je prononcerai, en rêvant d’une «Nation Caraïbe» que nous aiderait à intégrer une UE fédérale, de plus en plus démocratique, solidaire et écologique. Harry Jawad DURIMEL Porte-parole des Verts-Guadeloupe
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