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Harry Durimel

Les enjeux des élections européennes vus par un eurocaribéen de la Guadeloupe

Dernière mise à jour : 31 mai 2021


Ci-dessous un article que j’ai écrit il y a plusieurs années et qui est toujours d’actualité : En 1990, les carnavaliers défilaient dans les rues en scandant « Voici le Loup », le loup étant l’Europe. Et l’Acte Unique était devenu en créole « la tunique » dont on menaçait son voisin (« tu verras, la tunique va venir… ») symbole de ce manteau de plomb qui recouvrirait nos petites îles pour mieux les phagocyter. Depuis, il s’est produit une incontestable évolution des esprits à l’égard de l’Union européenne, notamment en raison des moyens financiers conséquents qu’elle met à la disposition de nos régions.

Nul ne peut prétendre ignorer que les aides structurelles participent à réduire les retards de développement de nos régions par rapport au continent européen. Citons : le Fonds européen pour le développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen pour l’agriculture (FEOGA), et le Fonds européen de la pêche (IFOP). Aujourd’hui, par delà la manne financière qu’elle évoque, l’intégration de la Guadeloupe à l’Europe soulève de multiples questions portant, notamment, sur son opportunité même, sur les voies et moyens du développement économique ,sur la reconnaissance de nos spécificités, sur les conséquences de la mondialisation libérale …etc. La Guadeloupe a du mal à imaginer son rôle dans un grand marché par trop lointain, coincée qu’elle est entre deux mondes. D’un côté les pays européens, dont elle partage le niveau de vie et les coûts, mais dont les marchés restent inaccessibles. De l’autre côté, son milieu naturel, les autres îles de la Caraïbe dont elle se distingue en apparence mais auxquelles elle reste liée par une identité historique, culturelle et géographique. Tous les rapports (De Gouttes, Ligios, Jarnac …) présentés, tant à la demande de l’UE que de la France, sont unanimes : l’intégration de la Guadeloupe dans l’Europe est vouée à l’échec si elle se fait dans la négation de son appartenance au bassin caribéen. Ainsi a-t-on vu émerger progressivement une nouvelle volonté d’intégrer la Guadeloupe, et les DOM en général, dans leur environnement géographique. D’un point de vue général, les DOM souhaitent cette coopération régionale en raison, d’une part, de l’exiguïté du marché local et de l’évolution de l’économie mondiale (blocs régionaux), et, d’autre part, d’une légitime quête identitaire. Ainsi, en s’insérant dans leur environnement géographique, les DOM renforcent la solidarité avec les autres producteurs agricoles de la zone ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) menacés par l’offensive américaine contre le traitement préférentiel dont ils bénéficient pour les filières Canne-Sucre-Rhum et Banane, notamment. Au lieu de soutenir une concurrence inégale, les DOM chercheraient, grâce à la coopération régionale, à combiner les facteurs de productions dont ils sont favorablement dotés (le capital, la technologie et le travail qualifié) avec ceux dont les pays de la Caraïbe disposent en quantité relativement abondante (la main-d’oeuvre peu coûteuse, les produits de base et les ressources primaires). L’Union Européenne a pris une part très active dans le rapprochement qui s’est opéré entre les DOM et leurs voisins. Après avoir bénéficié d’un programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEIDOM) les DOM sont, depuis l’an 2000, éligibles à l’initiative communautaire INTERREG et bénéficient de deux programmes pour la période 2000-2006 : les programmes INTERREG III « Espace Caraïbes » et « Océan Indien». Ces programmes ont pour objet l’intégration régionale dans le bassin de la Caraïbe pour la Martinique, la Guadeloupe ainsi que la Guyane et dans l’Océan Indien et l’Afrique Australe pour la Réunion. Dotés respectivement de 24 M¤ et 5,9 M¤ de subventions publiques (dont 12 M¤ et 5 M¤du FEDER), les programmes Espace Caraïbes et Océan Indien peuvent, comme pour la coopération régionale des DOCUP, être coordonnés avec le Fonds Européen de Développement (FED) pour le financement d’actions conjointes avec les pays ACP ou PTOM environnants. Au total ce sont 57,5 millions d’euros de subventions publiques (dont 31,5 M¤ de subventions du FEDER) qui seront mobilisés d’ici 2006 dans le cadre de la coopération interrégionale (INTERREG III + DOCUP) entre les DOM et les pays voisins. Dans la perspective de l’Union européenne élargie, dans le contexte de l’accélération constante du processus d’harmonisation du marché intérieur, dans le cadre du débat sur les risques environnementaux et des perspectives financières en cours et, face aux menaces que comporte l’Accord Général sur le commerce des Services (AGCS) en cours de négociation au sein de l’OMC, la défense des intérêts légitimes de nos régions insulaires et ultrapériphériques de la communauté recouvre une importance particulière. Ce qui est en jeu aujourd’hui c’est un véritable choix de société. C’est le principe même de la démocratie qui est menacé, en ce qu’il repose sur la capacité des représentants du peuple à légiférer dans l’intérêt des citoyens. L’AGCS concerne directement tous les secteurs vitaux, comme la santé, l’éducation, la santé, l’éducation, la culture ou l’environnement. Il affectera indirectement des domaines essentiels comme le droit du travail, la possibilité de poursuivre des objectifs d’intérêt général. L’accès à l’eau, l’enseignement, les soins médicaux ou la gestion des ressources tomberont sous la coupe de l’OMC. Pour l’OMC, tout service est commercial. Dans son optique, les services publics, sont des opportunités d’affaires manquées. En Europe déjà la privatisation à marche forcée de l’énergie, de la poste, des transports, des musées, de la culture, sont facteurs de désagrégation sociale. La privatisation plus insidieuse de la santé, de l’éducation, des services sociaux ne peut qu’entraîner des régressions et exclusions plus graves encore. A l’insu des parlements et des populations la biosphère et les sous-sols géologiques sont l’objet d’un commerce planétaires, sous l’impulsion des firmes multinationales. C’est pourquoi, au nom des droits existentiels des générations futures, un nombre croissant de militants écologistes et alter mondialistes mènent une fervente campagne pour freiner le processus de marchandisation de la planète qui est en cours. C’est dans cette mouvance là que les Verts-Guadeloupe s’inscrivent constamment et, tout particulièrement, dans la perspective des élections au Parlement européen pour éviter que le fragile et peu important tissu productif local ne soit anéanti par les puissantes sociétés multinationales. Harry Jawad DURIMEL

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