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Harry Durimel

LETTRE OUVERTE À Nicolas HULOT

Dernière mise à jour : 31 mai 2021

Petit-Bourg le 10 juin 2018,

Monsieur le Ministre, En arrivant au gouvernement, vous connaissiez déjà la Guadeloupe, cette igname brisée qui est ma terre natale. Lors d’une visite privée à la Maison de la mangrove en compagnie du Maire des Abymes Eric JALTON, nous avons eu l’occasion de vous exposer la problématique des zones humides, et nous vous avions sensibilisé sur la contamination de nos sols, de nos eaux et de nous tous (95%) au chlordécone. Vous voilà de retour, en tant que Ministre d’Etat, pour voir de vos propres yeux ce que d’aucuns n’ont certainement pas manqué de vous décrire : eau, terre, mer, air pollués. Et Karukéra, îles aux belles eaux, manque d’eau potable dans les robinets. On aura beau nous dire que les sargasses sont naturelles, il n’en reste pas moins que leur prolifération et leur invasion génèrent pollutions et troubles sanitaires, qu’il nous semble possible de prévenir. Malheureusement, faute pour l’Etat d’avoir mis en œuvre ses obligations internationales, (Convention de Carthagène pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes, les directives européennes (EAU (DCE) du 23/10/00 et Stratégie pour le milieu marin du 17/06/08), on se retrouve aujourd’hui face à une catastrophe sanitaire, écologique et socio-économique de grande ampleur. Comment comprendre, après 7 années d’échouage massif de sargasses sur notre littoral, avec les conséquences pestilentielles qui en découlent, que l’origine et la cause de ce phénomène restent encore inconnues ? Que vaut l’engagement, pris à Carthagène, de coopérer avec les pays de la mer des Caraïbes et des zones de l’océan Atlantique qui lui sont adjacentes, en cas de risque environnemental majeur, « pour combattre, réduire ou éliminer les pollutions ou les menaces de pollution qui en résultent »? (art. 11) Où en sont « la recherche scientifique, la surveillance et l'échange de données et autres renseignements scientifiques » (art.13), la coopération pour « l’évaluation des impacts de projets importants sur l’environnement, pour prévenir toute pollution importante ou modification significative et nuisible du milieu marin ? (art.12) Pourquoi tourne-t-on en rond depuis 7 ans, alors que l’article 207 § 1 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (UNCLOS) fait peser sur les Etats l’obligation de prendre des dispositions « pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin » ? À cause de la violation délibérée par la France de ses engagements internationaux et des normes européennes, à cause de l’inertie et un manque d’anticipation généralisé, on se retrouve face à une situation calamiteuse que vous avez peut-être du mal à imaginer depuis Paris. Aujourd’hui, je suis la voix de ceux qui souffrent dans leur chair, ceux qui sont perturbés dans leurs cursus scolaires, ceux qui ont perdu leurs clientèles, leurs activités économiques et qui, malgré tout, doivent faire face aux échéances bancaires, fiscales et sociales. Je suis la voix de ceux qui n’apprennent qu’en juin que l’eau dite potable qu’ils consomment à leur robinet est polluée au chlordécone, ce que l’ARS le sait depuis avril ! Je suis la voix de ceux qui attendent Justice et Vérité et l’avancée de la plainte pénale déposée depuis 2006 dans l’affaire dite du chlordécone. Ce qui se répand aujourd’hui, c’est le sentiment d’être à la périphérie d’un Etat coupable de non assistance à personnes en danger, voire même d’être les victimes d’un empoisonnement multiforme et programmé. Les mots sont forts, Monsieur le Ministre, mais la crise est profonde et une vraie colère gronde dans les masses populaires, même si elle tarde à exploser. Sans partager ce sentiment qu’il y aurait une volonté délibérée d’éradiquer en douce le peuple guadeloupéen, nous voyons comme une carence fautive la défaillance de l’Etat à mettre en œuvre sa mission constitutionnelle de santé publique, à appliquer ses propres engagements internationaux ainsi que les directives européennes, à respecter la Charte de l’environnement, les principes de « précaution, de prévention et de correction en priorité à la source » qui y sont prescrits. Une telle carence a déjà été sanctionnée à de multiples reprises par des Cours et Tribunaux de l’hexagone, notamment en Bretagne. J’entends se former ici et là, dans les zones infestées par les sargasses, le dessein de traduire l’Etat en justice pour obtenir réparation des dommages de tout ordre causés par sa carence fautive. Enfin, pourquoi ne pas reconnaître l’état de catastrophe naturelle, prévu par l’article 125-1 du Code des assurances, alors que les trois conditions exigées par la jurisprudence sont ici réunies, à savoir : - l’intensité anormale d’un agent naturel, - des dommages matériels directs non assurables, - les dommages matériels qui n’ont pas pu être empêchés ou que les moyens utilisés pour les empêcher se sont révélés insuffisants Voilà Monsieur le Ministre, le message que la Guadeloupe profonde me commande de convoyer jusqu’à vous, avec l’espoir ténu que votre venue, votre stature dans le gouvernement, notre passion partagée pour l’écologie et la légitimité de nos attentes feront force et déclic à Paris. Harry J. DURIMEL Conseiller communautaire CAP Excellence, Conseiller régional



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