Le lundi 14 mars 2016, la société américaine ORMAT Technologies, Inc., basée à Reno dans le Nevada aux Etats-Unis, a annoncé officiellement sur son site internet la signature d’un Protocole d’Investissement et de Prise de Participation avec la holding SAGEOS, filiale à 100% du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM, établissement public à caractère industriel et commercial), pour acquérir progressivement 85% du capital de la SA Géothermie Bouillante.
Depuis, un débat a été lancé par un collectif impulsé par Alain PLAISIR (Président du CIPPA) et Jean-Claude MALO (ex-Maire de Bouillante), entre autres, autour de la géothermie, avec comme finalité affichée : l’opposition à « la vente de l’usine géothermique de Bouillante à une société américaine », ou encore, « empêcher de brader le patrimoine du peuple guadeloupéen ». (sic)
Présenté comme çà et en offrant comme alternative une grande quête populaire et une participation majoritaire de la Région au capital d’une Société d’économie mixte (SEM) à créer pour l’achat et l’exploitation de ladite usine, la position du Collectif ne peut que séduire. Qui peut ne pas être d’accord avec un tel discours ? Qui peut ne pas adhérer à l’idée d’une appropriation collective des moyens de production et de leur mise au service du peuple, au moindre coût ?
On peut toujours rêver d’un changement radical de société, de la fin du capitalisme et de l’édification d’une société qui soit la meilleure dans le meilleur des mondes. Mais lorsqu’on aspire à gouverner et faire évoluer par petits pas notre société vers un monde plus juste, avec les clés de l’Etat de droit dans lequel on vit, on se doit d’être réaliste. Et c’est pour porter une dose de réalisme, de pragmatisme et d’écologie dans le débat en cours, que je me risque à écrire la présente note.
Avertissement : Le sujet étant complexe et délicat, je vous prie de prendre le temps de lire jusqu’au bout le présent texte, qui, je l’admets, est un peu long.
Définition et enjeux de la Géothermie
La géothermie ou chaleur de la terre se présente sous forme de réservoirs de vapeur ou d'eaux chaudes ou encore de roches chaudes. Lorsque la température du réservoir géothermique est élevée et permet de produire de la vapeur, il est possible de produire de l'électricité. La Guadeloupe est loin d’être la seule à pouvoir exploiter la ressource Géothermique dans notre zone géographique. L’arc Caraïbes est, par essence, volcanique et présente un important potentiel géothermique, notamment à la Dominique, Montserrat, Grenade, Saint Kitt et Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent… Mais l’unité géothermique de Bouillante en Guadeloupe demeure la seule unité en fonctionnement de toute la Caraïbe insulaire.
La géothermie est pour la Caraïbe une richesse et une condition de son autonomie énergétique. Parce qu’elle permet de produire une électricité propre et à un coût moindre que les filières classiques (entre 100 et 200 € du MWh, contre 250 € du MWh en moyenne pour l’électricité produite à partir d’énergies fossiles), elle constitue un facteur déterminant du développement économique régional.
Les investissements liés au développement de la géothermie sont, d’une part, d’un montant très élevé et, d’autre part, risqués, au moins dans les premières étapes de développement de projet, raisons pour lesquelles cette ressource a été délaissée dans notre région. En outre, son exploitation requiert une maîtrise du process qui, bien que connu, reste très complexe. Enfin, deux autres freins potentiels à ne pas ignorer, ce sont : l’intégration environnementale et l’acceptation sociale.
À Bouillante, l’implantation de l’usine en plein bourg, génère des nuisances sonore et olfactive qui ont provoqué un rejet par la population locale.
Aujourd’hui, la diminution des ressources pétrolières et le renchérissement consécutif du combustible poussent à regarder vers la valorisation d’autres ressources énergétiques et, en premier lieu, celles dont nous disposons. C’est ainsi que la géothermie connaît aujourd’hui un fort regain d’intérêt.
Présentation et historique de la centrale de Bouillante
Depuis la première exploration réalisée en Guadeloupe par le BRGM en 1963, la réalisation des premiers forages par la société EURAFREP en 1969, et jusqu’à aujourd’hui, l’usine de Bouillante a connu un parcours mouvementé, comme tout projet expérimental et novateur.
La centrale géothermique de Bouillante est constituée d’une unité de production d’électricité de 4,5 MW (Bouillante 1 ou B1) mise en service par EDF en 1986, et d’une deuxième unité construite sur le même site (Bouillante 2 ou B2) qui a commencé à produire en 2004. Ces deux unités, implantées dans le bourg, affichent une puissance nette totale de 14 MW environ.
En 2009 et 2010, les installations B1 et B2 de l’usine de Bouillante ont connu de multiples difficultés techniques, mais aussi sociales, qui ont fait chuter la production et ont détérioré les agrégats financiers des sociétés impliquées du groupe de 2009 à 2012.
Devant les très grandes difficultés de trésorerie et de financement pour le groupe, nées des problèmes rappelés ci-dessus, et parce que ce n’est pas son cœur de métier, le BRGM ne souhaite pas demeurer l’exploitant de l’usine. Sa volonté, ainsi que celle de l’État dont il est l’émanation, est d’en confier l’exploitation à un industriel.
En janvier 2011, dans le cadre d’une consultation sur l’ouverture du capital lancée par GB auprès d’entreprises ayant manifesté leur intérêt pour elle, trois dossiers de candidature étaient en cours d’examen. Aucune entreprise guadeloupéenne, ni aucun collectif citoyen, ne se sont manifestés, bien que la consultation ait été ouverte à tous les investisseurs, sans discrimination de nationalité ou de couleur de peau.
Seul l’ex-Maire de Bouillante, Jean Claude MALO, a revendiqué que sa commune puisse légitimement tirer avantage de la présence de l’usine de géothermie sur son territoire. Il réclamait, dès cette époque, que la commune de Bouillante puisse bénéficier d’une redevance minière et suggérait la création d’une SEM Energie afin de pouvoir faire partie du tour de table de l’entreprise, savoir ce qui s’y passe et bénéficier des retours sur investissement.
Dans un rapport publié le 27 avril 2015, la Cour des comptes a préconisé de relancer le processus de transfert de la propriété et de la gestion de l'entreprise Géothermie Bouillante à un industriel privé.
Quant à EDF, dont l’Etat est l’actionnaire majoritaire, elle a régulièrement réduit sa participation dans Géothermie Bouillante SA : 40 % en 1995, puis 30 % à partir de 2008, 5,8 % en 2010 et finalement 2,2 % en 2011, marquant ainsi clairement sa volonté de se désengager.
Aujourd’hui, les chiffres clés à retenir pour discuter de Géothermie Bouillante SA sont les suivants: o Capital : • SAGEOS (filiale à 100% du BRGM) : 97,8% • EDEV (groupe EDF) : 2,2% o 14 MW de puissance installée (B1 : 3,5 MW et B2 : 10 MW), pour un équivalent de production de l’ordre de 10 MW, o 17 personnes à temps plein sur le site o CA 2013 : 10,1 M€ o 6,35% en 2005, 4,35% de la production d’électricité de Guadeloupe en 2014, avec 75 GWh C’est dans ce contexte de déclin de la production et de désintérêt de la France pour cette richesse locale, qu’est intervenu l’accord avec la société américaine ORMAT, qui prévoit ce qui suit : ORMAT versera à peu près 22 Millions d’Euros (24 Millions de Dollars US) à SAGEOS pour une prise de participation au capital de Géothermie Bouillante SA de 79,6%. De plus, ORMAT s’engage à investir environ 10 Millions d’euros dans les 2 ans à venir, notamment à Bouillante dans la centrale existante, mais également dans le développement de B3, ce qui portera sa prise de participation, à terme, à 85% du capital de Géothermie Bouillante SA. le Protocole d’Investissement, ORMAT versera à terme 16 Millions d’Euros supplémentaires à SAGEOS, sous réserve de l’atteinte d’objectifs de production et des capacités additionnelles de développement sur une période donnée. La technologie et l’expertise d’ORMAT lui permettront d’optimiser rapidement les installations existantes, pour atteindre l’objectif de développement initialement prévu de 14,75 MW de puissance installée dès 2017. Egalement, les améliorations prévues sur les installations existantes et le développement futur de la ressource, au travers de B3, permettront à ORMAT de porter progressivement la puissance installée à 45 MW d’ici 2021. Que savons nous à propos d’ORMAT ?
Avec plus de 50 ans d’expérience, ORMAT Technologies Inc., entreprise basée à Reno, dans le Nevada aux Etats-Unis, est un leader dans le secteur de la géothermie. Elle possède, exploite, conçoit, développe, fabrique et vend des unités de production géothermiques et de production à partir d’énergies de récupération en se basant essentiellement sur la technologie du convertisseur d’énergie ORMAT, qui produit de l’électricité à partir de vapeur à basse, moyenne et haute température. Avec 72 brevets déposés aux Etats-Unis, les solutions de production d’électricité d’ORMAT ont été affinées et perfectionnées dans les conditions environnementales les plus exigeantes. ORMAT compte 450 salariés aux Etats-Unis et plus de 600 à l’international. Elle a conçu, fabriqué et construit des installations qu’elle possède, ou a développé pour des compagnies d’électricité et des développeurs à travers le monde, pour une capacité de production brute cumulée de 2 000 MW. Il n’y a pas en France beaucoup d’entreprises qui s’intéressent à la géothermie. Les deux qui sont capables de mener à bien le développement d’un tel projet, et encore, avec une aide extérieure pour l’exploitation du gisement, sont EDF et ENGIE (ex-GDF SUEZ). EDF a longuement étudié ce dossier et n’a pas souhaité s’engager. ENGIE ne s’y est pas intéressée. Certes, nous aurions préféré que ce soit des guadeloupéens qui soient majoritaires dans le capital de la société exploitant cette ressource minière. Mais il est vain d’entretenir l’illusion d’une collecte de fonds populaire pour prendre le contrôle de cette industrie et rassembler les dizaines de millions d’euros nécessaires. L’île de la Dominique, à côté de nous, est confrontée au même dilemme : comment réduire la dépendance énergétique aux ressources fossiles importées, onéreuses et polluantes ? Comment se convertir à l’énergie verte grâce à la géothermie dont elle est riche dans son sous sol ?
Dépourvue de moyens de l’exploiter, elle s’est adressée à l’Europe, à la Guadeloupe, la Martinique et à diverses entreprises internationales, dont des françaises, telle EDF et ENGIE, qui lui ont tourné le dos, après lui avoir fait des yeux doux. Le montage juridique En France, les gisements sont la propriété de l'État et font partie de son domaine. Le sous-sol, la mine sont « res nullius » et sont de compétence régalienne. Régalien (du latin regalis, royal) définit ce qui est attaché à la souveraineté (peuple, roi, selon les régimes politiques). C'est l'État qui attribue des droits et un délai d'usage et qui fixe les conditions d'exploitation. Le droit minier est régi par le Code minier. L'autorisation ministérielle se présente sous la forme d'un titre minier : concession, permis d'exploitation (disparu aujourd'hui, sauf dans les DOM). Ce titre est attribué par décret en Conseil d'État après une longue procédure, qui peut prendre plusieurs années. Il donne un droit d'exclusivité au titulaire pour la recherche et l'exploitation de ce ou ces produits dans le périmètre défini dans le texte du décret. Le titre peut être cédé, mais cette vente doit être validée par l'autorité concédante sous forme d'un arrêté ministériel qui autorise la mutation du titre et qui est obtenu également à la suite d'une procédure précise. Il peut être également loué sous forme d'une amodiation (la location d'un droit d'exploitation) qui doit également être autorisée par l'autorité concédante. Il ressort de l’article 119-1 du Code minier que « Tout titulaire d'un permis exclusif de recherches, d'une concession de mines, ou d'une des autorisations prévues aux articles 98 et 99, tout titulaire d'une autorisation d'amodiation de titre minier peut, après mise en demeure, se voir retirer son titre ou autorisation », notamment, pour « défaut de paiement des redevances minières, cession ou amodiation non conforme aux règles du code, Infractions graves aux prescriptions de police, de sécurité ou d'hygiène et, plus généralement, inobservation des engagements souscrits visés dans l'acte institutif » Par décret en date du 17 juin 2009, le gouvernement a accordé à la société Géothermie Bouillante, filiale du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et d'EDF, pour une durée de cinquante ans jusqu'au 30 avril 2050, une concession de gîtes géothermiques à haute température, d'une superficie d'environ 24 km2, portant sur partie du territoire de la commune de Bouillante (Guadeloupe) et sur les fonds marins du domaine public maritime. Cette concession couvre aussi bien la zone actuellement exploitée (unités B1 et B2) que la zone située au nord de la baie où B3 pourrait être développé. L’exploitation de la centrale a été confiée à CFG services jusqu’en 2012, dans le cadre d’un contrat d’exploitation avec Géothermie Bouillante SA, propriétaire des installations. Les deux sociétés sont respectivement des filiales à 97,8 % et 100 % de la holding SAGEOS détenue à 100 % par le BRGM, Etablissement public industriel et commercial de l’Etat français. Demain, si les américains ne prennent pas peur, au vu de l’hostilité manifestée par un groupe de guadeloupéens, grâce à l’apport d’ORMAT, Géothermie Bouillante SA se présentera comme suit : o 22 M€ versés à SAGEOS (holding) + 10 M€ d’investissements d’ici 2017 pour atteindre une prise de participation de 85% au capital de Géothermie Bouillante SA, o 14,75 MW, en production dès 2017 suite à l’investissement de 10 M€, o 45 MW de puissance installée en 2021, suite à l’amélioration de B1+B2 et au développement de B3 (nord de la baie de Bouillante) pour environ 16% de la production électrique de Guadeloupe. Nous n’avons pas de désaccord idéologique avec ceux qui ont fait opportunément de l’investissement d’ORMAT dans la géothermie en Guadeloupe, leur cheval de bataille. De tout temps, nous avons dénoncé le libéral-productivisme qui sévit dans le monde, et dont l’Union européenne (UE) s’est faite également l’adepte en renonçant au modèle social européen au profit du modèle américain. Mais force est de reconnaître aujourd’hui que le néolibéralisme trouve dans le développement des techniques de communication et la porosité des frontières un terreau et de formidables outils pour conquérir des marchés partout dans le monde. Dans ce contexte et eu égard aux règles de droit applicables (code minier, codes du commerce et des sociétés, l’OMC et autres traités internationaux), nul ne peut empêcher un américain de venir investir en Guadeloupe, ni contraindre une société à choisir tel ou tel actionnaire pour accroitre son capital et sa capacité d’investissement. Il est vain de laisser croire aux guadeloupéens qu’ils pourront s’imposer dans le capital de SAGEO et réduire à néant l’accord d’ores et déjà conclu avec ORMAT, sous l’égide du Gouvernement français, sauf si la Guadeloupe devenait indépendante dans les prochains jours. Economiquement : À court terme, avec les 10 M€ qu’ORMAT s’apprête à mettre sur la table dès cette année 2016 dans l’amélioration des installations existantes, ce sont ainsi près de 2 M€ d’Euros qui pourraient bénéficier directement au territoire, sécurisant et même créant de nouveaux emplois. La Guadeloupe pourra bénéficier d’un outil opérationnel, à la pointe de la technologie, porté par des investisseurs responsables, soucieux de la préservation de l’équilibre et du développement du tissu économique local. L’usine de Bouillante a été mise en service sur la base d’un projet expérimental en mobilisant des entreprises et des travailleurs guadeloupéens. Elle a bénéficié du savoir-faire de ces mêmes entreprises lors de sa rénovation en 2013 avec pour 800 000 € de travaux passés à des entreprises locales sur un budget global de 4,4 M€. La Guadeloupe a plus à gagner dans l’optimisation de la ressource géothermique que son exploitation en bas régime par l’Etat français, comme il le fait depuis près d’un demi-siècle, dans la plus grande indifférence populaire et politique. Si l’Etat avait été un bon gestionnaire, on n’en serait pas là aujourd’hui à chercher désespérément des fonds privés. Le développement de la géothermie à Bouillante fera de la Guadeloupe, seul territoire caribéen détenant une centrale géothermique en fonctionnement, une vitrine de cette filière d’avenir dans la Caraïbe. C’est en ce sens que j’ai agi, quand j’étais le Président de la Commission Energie dans l’ancienne majorité au Conseil régional. J’ai encore à l’esprit, certains moments forts que j’ai vécus en cette qualité. Par exemple, le 21 juin 2013, lors de la célébration du 50ème anniversaire de la géothermie à Bouillante, dans la plus grande indifférence de la majorité des guadeloupéens, j’ai eu à prononcer un discours d’ouverture de la manifestation organisée par le nouveau Directeur de l’usine. Pointant du droit les enjeux et les perspectives, j’indiquais qu’à proximité de nous, se trouve un marché représentant plus de 6000 MW d’installations géothermiques. Notre positionnement est idéal pour exporter certaines activités de services, si nous développons demain une masse critique de compétences autour de la géothermie en Guadeloupe. Cela implique, en premier lieu, la relance de l’exploitation géothermique à Bouillante. Cela fait trop longtemps que ce site est délaissé et fonctionne de façon aléatoire. Il faut restructurer l’existant, développer Bouillante III qui existe dans les cartons depuis longtemps. Une exploitation comme celle-là, ne peut exister au XXIème en ignorant son voisinage. Des efforts certains ont été faits pour traiter les nuisances, mais il faut aller plus loin. C’est pour cela que nous avons soutenu le principe de la création d’une redevance communale sur l’exploitation de la géothermie. Il faut développer les retombées pour la commune qui subit des contraintes certaines au bénéfice de l’intérêt général… Politiquement : Contrairement à ce qui est allégué, la volonté politique régionale en faveur de la géothermie a été amplement affirmée pendant la précédente mandature. Dans la stratégie énergétique définie par l’ancienne majorité au Conseil régional, la géothermie devrait compter pour pas moins de 34% dans notre mix électrique à l’horizon 2030. Afin d’accélérer le partage de connaissance, la Guadeloupe a organisé à Gosier, les 9 et 10 Septembre 2015, un séminaire international sur le thème « Géothermie : richesse et autonomie énergétique de la Caraïbe - Produire notre électricité autrement ». Je n’ai pas souvenance d’y avoir croisé ceux qui me font le reproche aujourd’hui de ne pas participer à la fronde tardive contre ORMAT. Nul ne peut contester que Caraïbe Ecologie – Les Verts Guadeloupe a fait entendre tout l’intérêt qu’elle porte à la Géothermie, à travers mon implication active au sein de la Commission Energie que j’ai présidée de 2010 à 2015. La Région Guadeloupe a accompagné le développement du site de Bouillante par un soutien politique ou financier. En 2013, lors du désengagement d’EDF dans les projets de géothermie aux Antilles (Bouillante et Dominique), la Région adressait plusieurs courriers au Premier Ministre ainsi qu’au Ministre de l’Energie pour alerter sur la situation et demander une intervention. Ce soutien s’est à nouveau manifesté, le 26 octobre 2015, par l’adoption d’une nouvelle motion destinée à faire connaître le positionnement favorable de la Région au regard de la géothermie pour les années à venir. Compte tenu de l’intérêt majeur de cette ressource pour le développement du territoire, la Région a traduit sa volonté de soutenir la géothermie par sa prise en compte dans tous les documents de planification : Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE) en 2012, Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) en cours d’adoption, et par son inscription dans les axes de développement prioritaires retenus dans le cadre du PO FEDER 2014-2020. La géothermie apparaît ainsi dans l’Axe 3 « Soutenir la transition vers une économie à faible teneur en carbone » et plus particulièrement dans la fiche action n°14 : « accroître la part des énergies renouvelables dans le mix électrique pour une plus forte autonomie énergétique ». Ecologiquement : L’arrivée d’ORMAT et de l’argent frais qu’elle promet permettront de passer de 10 MW, à 14,5 MW dès 2017 et 40 MW à l’horizon 2021. Résolument engagés dans la lutte pour la transition énergétique et l’abandon progressif du fuel et du charbon qui nous coûtent cher, polluent et participent au réchauffement de la planète, les écologistes ne peuvent limiter leur approche de ce sujet à un simple sentiment nationaliste ou xénophobe. Ni moins ni plus que les autres, nous aimons la Guadeloupe et nous aspirons à ce qu’elle soit un archipel vert et, dans l’absolu, autosuffisant en énergies renouvelables. Même si la Guadeloupe était un pays souverain, et surtout si elle l’était, il nous faudrait recourir aux capitaux étrangers pour développer les infrastructures et l’économie locale. Donc mon analyse est compatible avec l’aspiration légitime de tout peuple à s’auto gouverner. Nous avons tout intérêt à ce que l’usine géothermique de Bouillante sorte de la léthargie dans laquelle elle sombre après de longues années de gestion publique, à travers le BRGM, Etablissement public industriel et commercial (EPIC) de l’Etat français et sa filiale SAGEOS. Socialement : Gageons qu’une usine mieux gérée génèrera création d’emplois directs et indirects, car les 150 millions d’investissements qui s’imposent à court et moyen terme donneront assurément du travail aux entreprises guadeloupéennes. À ma connaissance, le Comité d’entreprise de la centrale de Bouillante n’a pas émis d’avis défavorable et le personnel de cette entreprise semble plutôt voir d’un bon œil cette arrivée de capitaux lourds et d’argent frais pour requinquer leur usine vieillissante et en décrépitude. Les syndicats devront rester vigilants, comme ils l’ont toujours été, pour éviter tout dumping social. Aujourd’hui les guadeloupéens payent l’électricité à un prix largement inférieur à son coût de production, grâce au système de solidarité nationale appelée CSPE (contribution au service public de l'électricité (CSPE). Le MWh d’énergie géothermique est racheté 165 € par EDF, alors que le MWh au fuel coûte 230 €. Quels que soient sa source et son coût de production à la consommation, les guadeloupéens payent l’électricité 150 euros le MWh, soit 12,70 centimes le KWh. Combien de temps encore ce système, qui veut que les métropolitains payent pour nous la différence entre le coût réel de production et le prix de vente, grâce à la CSPE, durera-t-il ? Le système néolibéral impulsé par l’hégémon américain et la Commission européenne a déjà sonné le glas des systèmes préférentiels, tels les quotas dont bénéficient encore les producteurs de banane, sucre et rhum ultramarins. Le surendettement de l’Etat français, couplé à l’inexorable privatisation généralisée de l’économie, augure de jours difficiles pour les entreprises et les ménages guadeloupéens si nous ne sortons pas de la dépendance au fuel et au charbon. De 12,70 centimes aujourd’hui, le coût d’achat de l’électricité passerait à 35 voire 40 cts par kwh, si la CSPE venait à disparaître. C’est pourquoi je ne vois pas l’arrivée d’ORMAT, audacieuse pour un petit marché comme le notre, dans le capital de SAGEOS comme le désastre que d’aucuns veulent faire croire. Bien entendu notre combat pour le développement durable continue. Assurément, la Région Guadeloupe doit prendre une part dans le capital de cette société exploitant une ressource essentielle pour notre territoire. Sa présence doit permettre de veiller à la conformité du fonctionnement de l’usine aux normes sociales et environnementales compatibles avec les exigences du développement durable. Mais la Région n’a pas vocation à faire du commerce en exploitant un secteur industriel. N’oublions pas que l’argent public c’est notre argent, nos impôts. Et il serait particulièrement périlleux que l’argent public soit massivement investi dans un secteur concurrentiel comportant autant de risques. Le rôle de la collectivité est d’aider à financer la part de risque qui est très importante dans les premières étapes de développement. Par contre, les investissements sont très importants et il faut un savoir–faire industriel sur la production d’énergie et un savoir-faire sur l’exploitation du sous-sol. Cela est donc clairement du ressort des grandes entreprises privées. Pour autant, il faut que le territoire soit associé par un biais ou un autre. Par ailleurs la structuration d’une filière géothermique passe par la réalisation en Guadeloupe, d’activités de recherche/développement et de formation pour que les emplois créés puissent profiter à la population locale. Nous, ancienne majorité à la Région, avons de notre côté construit le projet INTERREG, "Géothermie Caraïbe", destiné à développer des bonnes pratiques dans le montage de projets de géothermie dans la Caraïbe sur la base de l’expérience guadeloupéenne mais également à inscrire la Guadeloupe au cœur de la structuration d’une filière d’excellence industrielle d’exploitation de ressources géothermales haute température en milieu insulaire volcanique. Les entreprises qui s’investiront dans cette démarche devraient trouver la Région pour les accompagner. Nous nous sommes largement investis pour soutenir les projets d’EDF et du BRGM à Bouillante et d’EDF à la Dominique. EDF s’est retirée de manière soudaine et unilatérale. C’est pour nous incompréhensible et inadmissible tout comme étaient inadmissibles ces discussions sans fin entre le BRGM et EDF à Bouillante au mépris de l’intérêt général. Dans le contexte de crise actuel, il n’est pas possible de négliger une ressource telle que celle-là. Mais il faut éviter toute passion et toute instrumentalisation.
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